Exposition « La Curiosité d’un Prince ». Le destin du cabinet ethnographique du comte d’Artois, de la Révolution à nos jours
La bibliothèque municipale de Versailles hérite en 1806 d’une extraordinaire collection d’objets issus du monde entier, aujourd’hui déposés, pour la plupart, au musée du quai Branly-Jacques Chirac. Leur nombre s’est considérablement accru au XIXe siècle grâce à la générosité de donateurs versaillais variés : lorsque la collection est finalement transférée au musée d’Ethnographie du Trocadéro en 1934, elle compte ainsi 534 pièces d’Asie, d’Afrique, d’Océanie et des Amériques.
© Ville de Versailles / Pierrick Daul
Néanmoins, la renommée mondiale de cet ensemble repose sur la présence en son sein de plusieurs dizaines d’objets datant de la période d’Ancien Régime, dont la plupart comptent parmi les plus anciens spécimens conservés au monde. Ces objets évoquent en effet, par leurs provenances variées, l’emprise du premier empire colonial français en Amérique du Nord, aux Antilles, dans l’actuelle Guyane, au Sénégal, à la Réunion et aux Indes françaises. Ils sont issus des cabinets de curiosités constitués aux XVIIe et XVIIIe siècles par des aristocrates, des congrégations religieuses, des savants et amateurs, ainsi que par la maison de France. Confisqués en 1791, ces fonds divers sont réunis au château de Versailles devenu dépôt central pour les saisies révolutionnaires réalisées dans le département de Seine-et-Oise, avant de rejoindre la bibliothèque.
Si les grandes lignes de l’histoire de la collection versaillaise ont été tracées, des imprécisions persistent sur ses origines et sur la provenance des pièces avant 1792, date du premier inventaire conservé du fonds d’objets anciens. À grands traits, et suivant les données réitérées dans les publications, ce fonds aurait été constitué par le naturaliste et ancien commis au Bureau des colonies d’Amérique, Denis-Jacques Fayolle (1729-1804) puis acquis par le marquis Armand-Louis de Sérent (1736-1822) pour servir à l’éducation des fils de Charles-Philippe de Bourbon, comte d’Artois, dont il était le gouverneur. De manière surprenante, cette interprétation des sources a toujours minimisé la participation du comte d’Artois, futur Charles X, au projet de création de cette collection. Les ambitions intellectuelles du frère cadet de Louis XVI, dans la constitution de ce cabinet de curiosités destiné à ses fils, semblent pourtant avoir eu un impact décisif.
C’est ainsi à la « Curiosité d’un Prince » que sera dédiée une exposition à la bibliothèque de Versailles à l'automne 2021. Elle vise à apporter un éclairage nouveau sur les protagonistes liés à la constitution d’une collection d’exception et au parcours de ces objets dans les collections publiques sur plus de deux cents ans. Au-delà de cette histoire de collection particulière, l’exposition proposera une synthèse sur un chapitre déterminant de l’histoire du patrimoine : la constitution des cabinets de curiosités et des collections royales sous l’Ancien Régime, la dispersion de ces fonds au moment de la Révolution, puis la constitution des musées en France pendant le Consulat sous l’action respective de Lucien Bonaparte et de Jean-Antoine Chaptal. L’écrin de cette exposition sera la bibliothèque historique installée dans l’ancien Hôtel des Affaires étrangères et de la Marine édifié sous Louis XV.
L’exposition présentera la collection du « Cabinet de curiosités et d’objets d’art » de Versailles aujourd’hui déposée au musée du quai Branly-Jacques Chirac. Certains des objets la composant sont des spécimens uniques au monde des communautés nord-amérindiennes. L’exposition invitera aussi à explorer les trésors de la bibliothèque municipale et d’autres institutions des Yvelines, comme les fonds des Archives départementales, le cabinet d’histoire naturelle du lycée Hoche ou le musée Lambinet.
L’exposition se clora par une carte blanche laissée à un des partenaires du projet CRoyAN : la Nation Choctaw de l’Oklahoma et l’équipe du Choctaw Nation Cultural Center dans la ville de Durant. Les Choctaws – dénommés Chactas dans les sources françaises de l’époque – sont originaires de la vallée inférieure du Mississippi, région baptisée Louisiane par les Français,sur laquelle ils exercent leur emprise coloniale de 1686 à 1803, date de la vente du territoire aux Américains par Napoléon Bonaparte. Longtemps hésitants à s’allier avec les Français ou les Anglais présents dans la région, les Choctaws auront des relations nourries avec leurs interlocuteurs européens. De nos jours, alors que la nation choctaw est engagée dans la relance des pratiques et des modes de vie traditionnels au sein de la communauté, ce projet offre un cadre pour la recherche et les échanges de connaissances, et engage un dialogue à travers le temps et l’espace avec les générations d’artistes représentées par ces collections.
Date
18 sept. - 11 déc. 2021
Lieu
Versailles, Bibliothèque centrale
Galerie des Affaires Étrangères
Adresse
5, rue de l'Indépendance américaine
Horaires d'ouverture
Du mardi au vendredi, de 13h à 18h
Le samedi, de 10h à 18h
Fermé le dimanche et le lundi
Tarif : 5 €
Entrée libre pour le - 26 ans
Commissaires
Jennifer P. BYRAM
Chercheure associée, Historic Preservation Department, Choctaw Nation