Rencontre avec Michael Galban.
Un regard rétrospectif sur l’exposition « Wampum / Otgoä »

Michael Galban, commissaire de l’exposition « Wampum / Otgoä », partage sa réflexion sur la venue de cette exposition au Centre d'art et de culture seneca et son rôle dans le renouveau des relations interculturelles entre les nations autochtones, le Canada et la France. Michael nous offre ici un aperçu de l'impact diplomatique et spirituel de cette initiative qui a marqué un tournant pour l’institution qu’il dirige, véritable exploration de l’histoire et de la culture du wampum.

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« Branches » ou ficelles  de wampum du 18e siècle, musée du quai Branly - Jacques Chirac
© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Pauline Guyon 

Cela fait maintenant quelque temps que nous avons soigneusement et amoureusement remballé l'exposition « Wampum / Otgoä » et l'avons vue partir pour le Musée McCord Stewart de Montréal. Depuis, nous avons ouvert de nouvelles présentations et défini nos plans pour les futures expositions au Centre d'art et de culture Seneca à Ganondagan pour les six prochaines années. Il y a beaucoup à espérer. Cependant, il est toujours important de réfléchir à ce que nous avons accompli et d’essayer d’évaluer l’impact et la valeur de ces projets antérieurs.

L'exposition « Wampum / Otgoä » a été le premier projet international (construit dans ce cas précis avec la France et le Canada) mené par un organisme de l’agence du Bureau des parcs, des loisirs et de la préservation historique de l’État de New York. Même si nous étions conscients qu’il s’agissait d’un projet ambitieux et stimulant, l’importance de la tâche s’est révélée dans toute sa magnitude au cours du processus de planification et d’implémentation du projet : cela ne fit qu’augmenter notre détermination et notre énergie pour mener à bien l’itinérance de l’exposition.

En suivant les protocoles traditionnels des Haudenosaunee pour l’utilisation du wampum, et en invitant les autres nations à faire de même, nous avons tissé des alliances solides là où, auparavant, il n'y en avait pas. Dans la rhétorique traditionnelle, ces protocoles sont connus sous le nom de « dégagement du chemin ». Ils constituaient autrefois un aspect essentiel de l’établissement des relations diplomatiques, et étaient souvent réalisés avec les alliés. Cette métaphore souligne la création d’une ligne de communication claire : les deux parties assumaient la responsabilité de maintenir une route ouverte et dégagée de tout obstacle. Finalement, un projet collaboratif ou une exposition peut être considéré de la même manière. En repensant aux moments forts de la préparation et de l’ouverture de l'exposition, je vois maintenant que c'est exactement ce que nous avons fait !

Consultation privée pour le personnel du Seneca Art and Culture Center et les délégations invitées pour l'occasion – Seneca Art and Culture Center
© musée du quai Branly-Jacques Chirac, photo Paz Núñez-Regueiro

Nous avons organisé « l’accueil du Wampum », une célébration réservée aux représentants officiels des nations autochtones conviées – nations dont les ancêtres ont créé certains des objets exceptionnels, aujourd’hui, conservés au musée du quai Branly-Jacques Chirac. Pour ce faire, nous avons décidé de renouer avec un ancien rituel connu sous le nom de « à l’orée des bois ». Autrefois, il était courant que les Haudenosaunee proposent cette cérémonie d’accueil lorsque des visiteurs officiels arrivaient, mais aujourd'hui celle-ci est devenue rare. Le concept était simple : en utilisant trois ficelles de perles de wampum sacrées, la nation hôte « essuyait les larmes », « ouvrait les oreilles » et « dégageait la gorge » des délégués en visite. Ce faisant, la nation hôte supprimait métaphoriquement les obstacles empêchant une personne de voir, d’entendre et de parler avec sincérité et clarté.

Ce processus rendait les personnes aptes à être accueillies et les prédisposait dans un certain état d'esprit pour permettre l’établissement d’une communication claire entre les parties. La nation en visite rendait les ficelles de wampum dans le même ordre qu’elle les avait reçues, acceptant par ce geste les paroles et les actes symboliques échangés, et s’engageant à agir en cohérence avec ce qui avait été accordé. La reconstitution de la cérémonie à Ganondagan fut bien accueillie par nos invités et les voies que nous avons ouvertes à cette occasion le sont restées, renforçant la fréquence des échanges entre nations pour renouer d'anciens liens. 

Trois des délégations conviées au Seneca Art and Culture Center (Ganondagan) : Nations Miami, Wyandotte et Huronne-wendatte
© musée du quai Branly-Jacques Chirac, photo Paz Núñez-Regueiro

La Nation Wyandotte a envoyé des délégués à l'événement « l’accueil du Wampum » et nos échanges n’ont cessé de se renforcer depuis. Alors que j’écris ces lignes, ma famille et moi nous rendons à Wyandotte, en Oklahoma, pour travailler avec cette nation sur un projet de revitalisation des arts traditionnels :  voici un exemple des relations bonnes, durables et croissantes tissées à l'occasion de l’exposition « Wampum / Otgoä ».

Nous serons à jamais redevables à l’équipe du musée du quai Branly – Jacques Chirac de nous avoir tendu la main en signe d’amitié et de nous avoir aidé à « dégager la route » vers Ganondagan.

En toute paix et amitié,

Michael Galban

Inauguration (Michael Galban, Emmanuel Kasarhérou, directeur du musée du quai Branly - Jacques Chirac)
Inauguration (Michael Galban et Emmanuel Kasarhérou, directeur du musée du quai Branly - Jacques Chirac)
© musée du quai Branly-Jacques Chirac, photo Paz Núñez-Regueiro

Auteur

Michael GALBAN

Michael GALBAN

(Nations Washoe et Yosemite-Mono Lake Paiutes), directeur, Seneca Art & Culture Center, Ganondagan State Historic Site, Victor (New York)

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