Les collections royales (2)
En 1789, la Révolution vient bouleverser l’organisation des cabinets de curiosités et des collections d’art et de sciences de la couronne, de l’aristocratie et du clergé. Ces fonds sont saisis, nationalisés puis, pour ceux considérés comme des biens patrimoniaux d’intérêt public, redirigés vers les lieux de conservation.
Une histoire institutionnelle mouvementée
En 1792 est formée la Bibliothèque nationale ; le 10 juin 1793, le Jardin du Roi donne naissance au Muséum national d’histoire naturelle de Paris ; s’ensuit en 1794 la création du Muséum central des arts au palais du Louvre. Cette refonte des institutions muséales dans l’espace parisien vise à rationaliser la répartition des collections nationales, ces trois institutions centrales devant respectivement recevoir les livres, les spécimens naturalistes et les œuvres d’art.
Une partie des fonds d’objets conservés au Jardin du Roi est saisie et transférée vers un dépôt installé au palais du Louvre dans les dépendances de la Bibliothèque nationale. Cette institution se pose dès lors comme un centre des sciences qui accueille, outre les collections de livres et d’ouvrages précieux, les fonds d’objets venus d’autres institutions illustrant les créations de l’homme éloignées dans le temps et dans l’espace, c’est-à-dire les antiquités et le matériel ethnographique. Y sont ainsi déposées les collections de l’ancien cabinet du Roi fondé au XVIIe siècle, renommé cabinet des Médailles, qui y occupent une place de choix.
Cette réorganisation muséale se poursuit sous l’Empire (1804-1815) puis sous la Restauration (1815-1830). À cette période, d’autres établissements accueillent aussi des collections non-européennes. Tel est le cas du musée Dauphin inauguré en 1828 par Charles X au palais du Louvre, rebaptisé musée Naval ou musée de Marine : l’institution expose des maquettes de navires et des instruments de navigation, ainsi que, dans une salle dédiée, les pièces ethnographiques rapportées par les navigateurs. Les collections ne cessent de s'accroître dans cet espace , grâce notamment aux nombreuses propositions de dons faites par des agents de la Marine, des voyageurs divers ou le Roi lui-même. Il donne finalement naissance à un musée d'Ethnographie qui s’étend rapidement à plusieurs autres salles, devenant la première institution dédiée aux cultures lointaines au sein du palais du Louvre. D’autres pièces amérindiennes sont également accueillies au musée des Antiquités celtiques et gallo-romaines (aujourd’hui musée d’Archéologie nationale), institution créée en 1862 par Napoléon III à Saint-Germain-en-Laye, dans le but de constituer une section d’archéologie comparée entre des séries typologiques du monde entier. Ce musée reçoit, entre 1907 et 1911, les collections ethnographiques du musée de Marine du Louvre.
Le musée d’Ethnographie du Trocadéro
Un tournant marquant est franchi en 1878 avec la création du musée d’Ethnographie de Paris, premier musée national français exclusivement consacré à la culture matérielle des civilisations des cinq continents. Celui-ci, installé au palais du Trocadéro édifié à l’occasion de l’Exposition universelle de 1878, ouvre au public en 1882.
Les collections ethnographiques de la Bibliothèque nationale y sont déposées, l’ancien fonds du Musée américain du Louvre suit en 1887. Une partie des collections ethnographiques transférées au musée de Saint-Germain sont rapatriées au musée du Trocadéro en 1909. Le musée de l’Armée, ancien musée d’Artillerie, verse en 1917 la collection de sa galerie ethnographique inaugurée en 1877 en ses murs : quatre-vingts mannequins grandeur nature, portant des sélections d’armes et de parures guerrières du monde entier.
Enfin, en 1934, la bibliothèque municipale de Versailles, héritière depuis 1806 d’un cabinet de curiosités intégrant des pièces nord-amérindiennes d’une grande ancienneté, dépose à son tour ses collections au musée du Trocadéro. Ainsi, les collections ethnographiques en provenance d’Amérique du Nord, arrivées en France à compter du XVIIe siècle et réparties entre différentes institutions au début du XIXe siècle, sont progressivement réunies au sein d’un même établissement, hélas encombré et vétuste. Heureusement, le musée d’Ethnographie vit dans les années 1930 un profond mouvement de rénovation qui le fait évoluer en un nouveau musée de l’Homme, inauguré en 1938. Les collections de son laboratoire d’Ethnologie sont transférées à compter de 2004 vers le musée du quai Branly nouvellement créé, où l’on peut venir les admirer aujourd’hui.